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Patients et prestataires s’unissent à la suite d’un incident lié à la sécurité des patients

28 octobre, 2015

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Deborah Prowse et Steve Long pourraient sembler être de curieux partenaires dans la campagne visant à promouvoir la sécurité des patients au Canada.

Mme Prowse est la fille de l’un des deux patients décédés en 2004 après qu’une pharmacie de l’hôpital Foothills de Calgary a préparé des solutions de dialyse de manière erronée avec du chlorure de potassium plutôt qu’avec du chlorure de sodium. M. Long était le directeur responsable de cette pharmacie à l’époque.

Il a fallu deux ans avant que les deux victimes secondaires de cette grave tragédie aient la chance de se rencontrer lors d’un tête-à-tête réparateur qui leur a permis d’exprimer leur chagrin, de partager leur peine et de semer les graines d’une remarquable alliance militante. Les deux acolytes prennent maintenant régulièrement la parole ensemble, évoquant avec beaucoup de franchise leur douloureuse expérience commune.

Kathleen, la mère de madame Prowse décédée en mars 2004 à l’âge de 83 ans à la suite de cette erreur médicamenteuse, est survenue au terme de 13 mois difficiles d’interventions chirurgicales et d’échecs qui avaient déjà laissé la famille Prowse très mécontente de la qualité de ses soins médicaux. Le décès inattendu de leur mère a été un véritable choc pour la famille, un traumatisme qui n’a fait que s’aggraver dans la tempête médiatique qui a suivi. « Ma mère est décédée à la suite d’une série d’événements indésirables qui ont mené à l’ultime incident qui lui a coûté la vie, explique Mme Prowse. Elle avait fait deux séjours médicaux à l’hôpital et dans les deux cas, plusieurs choses ne s’étaient pas bien passées.

Monsieur Long, pour sa part, est marqué par le souvenir persistant d’une journée de routine qui a horriblement mal tourné.

« L’incident avec la mère de Deborah s’est produit un vendredi après-midi. C’était un vendredi comme les autres, mais le pharmacien qui travaillait à l’unité de soins intensifs est descendu pour nous dire qu’il y avait eu une erreur dans la solution de dialyse. Ils l’avaient apporté au laboratoire d’analyse des gaz sanguins et ils avaient déterminé qu’elle contenait du chlorure de potassium. »

M. Long et son équipe ont consulté les registres de fabrication, vérifié le numéro de lot de la bouteille, puis découvert que ce lot de solution de dialyse avait en fait été préparé par erreur avec du chlorure de potassium. À l’époque, le potassium et le chlorure de sodium avaient été achetés chez le même fabricant, avaient été stockés sur la même tablette et étaient présentés dans des contenants d’apparence similaire. Même la couleur et le lettrage sur les étiquettes se ressemblaient, raconte M. Long.

Plus tard ce soir-là, M. Long participait à l’entraînement de l’équipe de basketball de sa fille quand son téléphone a sonné. Sa voix hésitante quand il évoque ce moment témoigne des souvenirs douloureux qui le hantent toujours aujourd’hui.

« L’appel provenait du médecin qui travaillait à l’unité de soins intensifs et disait essentiellement : vous avez tué mon patient; qu’allez-vous faire maintenant et comment allez-vous vous assurer que cela ne se reproduise plus? »

J’étais alors directeur de la pharmacie à Calgary depuis près de 20 ans. Jamais je n’avais dû composer directement avec une erreur ou un incident de cette ampleur. Nous avions récemment ouvert une pharmacie centrale. Nous l’avions conçue. Nous connaissions les principes de qualité et de sécurité et savions comment modifier les processus pour réduire le risque d’erreur. Pourtant, ici, dans cette nouvelle installation conçue pour assurer la sécurité des patients, nous avions commis l’irréparable. Nous avions causé la mort de deux personnes. »

L’hôpital et l’autorité sanitaire régionale ont mené plusieurs enquêtes et examens qualitatifs à la suite des décès, lesquels ont fait l’objet d’un examen public et politique intense. Au fil des ans, les autorités sanitaires ont consacré du personnel et des ressources pour mettre en œuvre des initiatives en matière de sécurité des patients d’une valeur de 7 millions de dollars. Mais dans les premiers jours, au milieu de ce rigoureux examen institutionnel, il y a eu peu de soutien pour le personnel et pour les proches les plus touchés par l’événement.

« Essentiellement, nous essayions juste de faire face dans l’immédiat à tout ce qui arrivait, en essayant de comprendre au mieux ce qui s’était passé, se souvient M. Long.

Nous avons essayé de maintenir les activités, parce que nous avions encore 2 500 patients dans des lits d’hôpitaux qui nécessitaient nos soins, notre attention et notre expertise pour préparer les produits dont ils avaient besoin pour retrouver la santé. Et pourtant, nous le faisions dans un climat de méfiance où tout ce que nous préparions et tout ce que nous produisions étaient remis en question et contestés, alors que rien de tel ne s’était produit auparavant. C’était comme être en état de siège. On ne savait pas ce qui allait se passer ni comment on allait nous traiter. En tant que pharmacien autorisé, je ne savais pas si je pourrais continuer à exercer à l’issue de l’enquête. Donc, la peur, la déception, l’humiliation, l’échec... toutes ces pensées me trottaient dans la tête alors que nous traversions cette période de crise. »

Trois membres du personnel technique et une personne de l’équipe de pharmacie avaient été impliqués dans la production de la solution de dialyse fatale. Dans un premier temps, ces personnes ont continué à travailler à l’hôpital, mais d’examen en examen, elles ont fini par être renvoyées chez elles, sans salaire, totalement isolées de leur organisation et sans le soutien émotionnel dont elles auraient eu besoin », explique M. Long.

Pour sa part, madame Prowse est ressortie de l’expérience avec la ferme intention de faire entendre la voix des patients et des familles et de les faire participer aux efforts de sécurité dans tout le pays. S’inspirant de l’odyssée hospitalière de sa mère, de son expérience professionnelle et de sa formation en travail social et en droit, Deborah Prowse a fondé avec d’autres membres le conseil de sécurité des patients et des familles de la région sanitaire de Calgary, et collabore depuis avec l’Alberta Health Quality Council, l’organisation Patients pour la sécurité des patients du Canada et de nombreux autres groupes qui défendent la cause, dont l’Alliance mondiale pour la sécurité des patients de l’Organisation mondiale de la santé.

« Les patients et leurs familles doivent avoir confiance dans la qualité et la sécurité des soins qui sont prodigués, mais, quand les choses tournent mal, la transparence et l’ouverture ne sont pas toujours au rendez-vous, observe-t-elle. Et c’est un affront pour une relation basée sur la confiance.

Il est donc très important, lorsque les choses tournent mal, qu’il y ait divulgation de ce qui s’est passé. La divulgation comporte trois composantes : la reconnaissance de ce qui s’est produit, les excuses prononcées, et les mesures prises pour que cela ne se reproduise pas. Les patients, je pense, croient pour la plupart que le personnel soignant travaille avec de bonnes intentions et le désir de bien faire et de prendre soin des patients. Parfois, cela ne se passe pas bien. À mon avis la plus grande crainte c’est que tout soit camouflé si quelque chose tourne mal. »

Deborah Prowse et Steve Long ont parlé de leur expérience dans une série d’ateliers offerts aux cadres de la région sanitaire de Calgary lors du déploiement des nouvelles procédures de sécurité des patients, dont les nouvelles politiques régissant la divulgation après un incident, le signalement des événements, la communication d’information au public et l’adoption d’une culture de confiance et de justice dans les établissements de santé.

« Cela a marqué un changement énorme pour la sécurité des patients de l’Alberta et, en raison de la couverture nationale qu’ont reçue ces événements, cela a également contribué à faire évoluer le débat national sur la divulgation », souligne madame Prowse.

Je pense que l’on communique maintenant de manière beaucoup plus réfléchie. Ce qui me préoccupe, c’est qu’on n’implique pas toujours les personnes les plus concernées dans toutes les situations où elles devraient l’être. Et je pense que c’est un élément important de la guérison, tant pour les patients que pour le personnel, que de nous rassembler afin de pouvoir traverser ces premières phases de guérison peu de temps après les événements, dès que toutes les parties sont prêtes à le faire. Je crois que c’est très important ». Cet aspect n’a pas échappé à M. Long, qui a subi un choc émotionnel grave à la suite des décès, tout comme le personnel concerné de sa pharmacie.

« La pharmacie est souvent présentée dans les écrits comme l’ingrédient invisible, parce que les médicaments et les préparations surgissent comme par magie de nulle part et, la plupart du temps, tout se passe bien et les gens vont mieux. Après l’erreur et la perte de crédibilité, la seule chose qui m’a empêché de vraiment tourner la page, c’est de n’avoir jamais eu la chance de faire des excuses, dit M. Long, visiblement ébranlé.

Nous étions responsables d’un grand malheur... Nous le reconnaissions et nous en étions profondément malheureux… »

S’il a un message à transmettre aux prestataires de soins qui se retrouve impliqué dans des incidents indésirables, c’est de tenir bon et de surmonter leur épreuve, dit-il.

« Tout d’abord, si vous n’avez pas commis d’erreur de médication ou si vous n’avez jamais causé de préjudice, ce n’est pas parce que vous êtes d’un professionnalisme exemplaire, mais parce que vous avez eu de la chance. Deuxièmement, l’un de mes plus grands regrets c’est de ne pas avoir suffisamment veillé sur les membres de mon personnel pour voir comment ils allaient et faire en sorte qu’ils reçoivent le soutien dont ils avaient besoin. Et la troisième chose, je dirais, c’est de veiller à prendre soin de soi. Écoutez les messages de votre famille, des collègues et des autres personnes et demandez de l’aide. J’ai attendu beaucoup trop longtemps avant d’aller chercher de l’aide professionnelle. »

Mme Prowse pense que sa mère serait fière de son travail de sensibilisation et des changements positifs que son propre décès a entraînés pour la sécurité des patients. Une des choses qui la poussent à continuer depuis dix ans, ce sont les prestataires de soins de santé qui viennent à sa rencontre après ses conférences pour lui dire à quel point son histoire les touche, dit-elle.

« Il y a une citation qui, je crois, s’applique à nous deux, ajoute-t-elle en regardant M. Long du coin de l’œil. Elle est de Maya Angelou et dit, en gros, qu’avec le temps, les gens oublieront les mots que nous avons prononcés, mais ils n’oublieront jamais ce qu’ils leur ont fait ressentir. »

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