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Une tragédie pousse le Dr Doug Cochrane à partir en mission pour améliorer la sécurité des patients

29 octobre, 2015

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La mort d’une petite fille à l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique en 1997 a incité le Dr Doug Cochrane à réorienter sa carrière pour améliorer la sécurité des patients et réduire les erreurs évitables dans les établissements de soins de santé au pays.

L’enfant est décédée deux semaines après qu’un puissant médicament anticancéreux destiné à traiter sa leucémie a été accidentellement injecté dans son liquide céphalo-rachidien plutôt que par perfusion intraveineuse. Le Dr Cochrane, neurochirurgien pédiatrique à l’Hôpital pour enfants, faisait partie de l’équipe médicale qui a tenté en vain de renverser les effets de cette erreur et de sauver la vie de la fillette.

« Cela m’a profondément affecté de voir une patiente succomber à des traitements prodigués avec les meilleures intentions, mais qui pourtant ont échoué, se souvient-il.

En tant qu’organisation, l’Hôpital pour enfants a été secoué par de très grands débats. Pat Evans, David Matheson et notre directrice générale, Linda Cranston, ont fait preuve d’un leadership courageux en décrivant publiquement ce qui était arrivé à l’enfant. Je pense que c’était la première fois, en tant qu’organisation, que nous avons endossé la responsabilité des conséquences de nos actions, dans des circonstances aux conséquences aussi tragiques. »

Le Dr Cochrane, qui est aujourd’hui le président du BC Patient Safety and Quality Council, en plus d’occuper la fonction de responsable de la sécurité des patients et de la qualité des soins pour la province, se souvient de l’expérience comme d’un réveil brutal, tant pour lui-même, en sa qualité de médecin compétent, que pour l’hôpital.

« En tant qu’organisation, nous ne savions pas qu’il était possible de causer ce genre de préjudice. Nous pensions que nos systèmes étaient infaillibles, résistants et rigoureux, et nous étions entourés de personnes en qui nous avions – et avons toujours – une confiance absolue et sincère. Et pourtant, le système a échoué pour cette patiente. Il n’a pas été à la hauteur de l’organisation ni des individus qui la soignaient. »

À la suite du décès de la petite fille et de la découverte de cas similaires partout en Amérique du Nord, l’Hôpital pour enfants a mis en place un certain nombre de nouvelles mesures de sécurité, notamment des changements dans l’étiquetage des médicaments. Pendant ce temps, le Dr Cochrane subissait lui-même une transformation personnelle.

« En ce qui me concerne, je suis passé du statut de stagiaire enthousiaste qui avait – soyons honnêtes – l’arrogance de penser que tout ce que nous faisions était forcément bon, et que chaque fois qu’un patient présentait de mauvais résultats, c’était généralement dû à sa propre façon d’aborder la situation, ce qui nous amenait à réaliser soudainement que nos interventions avaient une importance très concrète. Tout comme notre façon d’organiser notre travail et de porter attention à ce que nous faisions. Et comme individu, cette prise de conscience a eu un effet profond sur le déroulement de ma carrière et sur les intérêts que j’ai développés ensuite pour la sécurité des patients et la qualité des soins. »

On dit parfois que la médecine moderne porte le fardeau d’une attente injuste de la perfection. Les patients ont en effet un besoin fort compréhensible de considérer leurs médecins comme infaillibles. Le Dr Cochrane apporte un point de vue intéressant sur la question.

« L’idée que les erreurs ne peuvent pas se produire dans notre système de santé n’est pas trop loin de la réalité. Quand vous pensez au nombre d’interventions réussies, à ce qui se passe en soins communautaires ou en soins de longue durée pour maintenir la sécurité des gens, aux personnes qui sont sauvées de maladies qui leur auraient coûté la vie il y a 10 ou 15 ans… Ce que les gens, les équipes et les organisations peuvent faire est vraiment incroyable.

Mais nous serions aveugles si nous ignorions le fait que nous sommes des êtres humains et que des erreurs se produisent. Elles se produisent parce que nous sommes humains, et aussi à cause de notre façon de penser, d’agir et d’être qui nous sommes. Je ne pense pas que nous puissions forcément rendre les systèmes imperméables aux erreurs, mais j’espère seulement que nous pourrons créer des systèmes capables de repérer les erreurs avant qu’elles causent des préjudices. »

Le Dr Cochrane croit que la plupart des gens qui travaillent en santé n’hésitent pas à reconnaître leurs erreurs, mais que s’ils le faisaient systématiquement au grand jour, ils pourraient mieux se défaire du traumatisme émotionnel qui parfois ne fait que compromettre davantage l’efficacité des soins aux patients. Beaucoup de ces gens – infirmières, médecins et autres spécialistes – assument leurs erreurs au prix de nuits blanches ou d’un stress et d’une anxiété accrus au travail et à la maison.

« L’impact des erreurs commises, en particulier si elles sont votre faute, est profond. Leur souvenir vous réveille au milieu de la nuit, vous remettez en question vos capacités et vos compétences, en vous demandant ce que vous pourriez faire différemment ou si vous pourriez refaire la même chose demain. Je pense qu’il y a un processus par lequel les gens doivent passer pour intégrer ce que représente vraiment une expérience de perte et de deuil. Il y a non seulement la perte de la relation avec le patient, mais aussi la perte de compréhension et de confiance en soi.

L’une des choses que j’ai apprises, c’est qu’il faut en quelque sorte que l’organisation soit sensibilisée à la question. Parce que jamais je ne demanderais de l’aide. On pourrait me pousser à chercher de l’aide – ma femme le ferait sans doute –, mais je ne le demanderais jamais moi-même. Ce qui ferait la différence, ce serait qu’un collègue vienne me demander ce qui m’est arrivé et comment il peut m’aider. »

Dans la mesure du possible, une partie de ce processus de guérison devrait inclure la divulgation en personne de l’erreur au patient ou à la famille, ajoute M. Cochrane. Il en était persuadé avant même son expérience avec cette petite fille dont la vie n’a pu être sauvée.

« Ce n’est pas le premier événement dans ma carrière où j’ai eu l’occasion d’admettre mes propres faiblesses, mes propres limites, et que le système en place n’était pas à la hauteur. Je peux penser à plusieurs occasions où la possibilité d’en discuter avec la famille ou le patient m’a apporté un immense réconfort, ajoute-t-il.

Je ne pense pas du tout que cela ait rendu la situation plus facile pour la famille, ni pour le patient, ni pour moi, mais cela l’a transformé et nous a amenés à mieux comprendre nos rôles respectifs – dans mon cas, je pense à un exemple particulier – et à comprendre que nous aurions pu faire mieux, mais que nous n’avons pas su comment. Et quand je dis “nous”, je parle essentiellement de moi.

En tant qu’ex-président de l’Institut canadien pour la sécurité des patients, le Dr Cochrane comprend la valeur et le sentiment de proximité qu’apportent les récits personnels dans la campagne de sensibilisation pour améliorer les soins aux patients.

“Je voulais partager cette histoire, parce qu’elle est très profonde à plusieurs niveaux. Le niveau le plus important est évidemment celui de la vie de la famille et de la vie perdue de cette enfant. Mais ce n’est pas tout. L’Hôpital pour enfants est une organisation différente depuis cette expérience. L’établissement prend maintenant soin de ses patients différemment, d’une manière plus sécuritaire. Il gère son personnel et en prend soin de façon nouvelle et plus sûre. Et nous avons fait le pari de communiquer nos expériences et nos résultats à d’autres personnes et à d’autres organisations, tant qu’elles ne supposent pas être à l’abri de tels événements ou de telles erreurs. Et je pense que c’est en fait l’occasion fabuleuse qui a émergé de cette tragédie absolue.”

Le Dr Cochrane espère que chaque nouvelle génération de prestataires de soins de santé arrivera un peu mieux préparée dans le système que celle l’ayant précédée et comprendra mieux les forces et les limites du système de santé. Et il est très encouragé par ce qu’il constate.

“Je suis étonné par le groupe actuel de stagiaires que je fréquente chaque jour. Ces personnes me poussent vraiment à me dépasser. Parce qu’elles sont beaucoup mieux préparées et ont des connaissances pratiques beaucoup plus poussées sur de nombreux aspects liés à la sécurité des soins. Elles se connaissent mieux, comprennent mieux leurs propres réactions, mais aussi les patients et leurs familles, et savent comment les traiter de manière respectueuse. Je pense que nous sommes dans une bonne position, mais je voudrais que ces jeunes stagiaires se rappellent que nous avons tous et toutes une obligation. Nous avons la chance, au Canada, de vivre dans un système où nous avons des obligations, non seulement en tant que contribuables, mais aussi en tant que prestataires de soins, et cette obligation consiste à améliorer le système et à le rendre plus sécuritaire pour tout le monde.”

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